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Le Québec et le Canada sont-ils en bonne situation économique pour faire face à la pandémie?

Cet article fait partie de la série COVID-19 réalisée par Actualités UQAM. Le gouvernement du Canada a d’abord annoncé, en début de […]

Cet article fait partie de la série COVID-19 réalisée par Actualités UQAM.

Le gouvernement du Canada a d’abord annoncé, en début de crise, un plan d’urgence de 82 milliards de dollars afin de soutenir les individus et les entreprises aux prises avec des difficultés financières à cause de la pandémie de COVID-19. Le gouvernement a révisé son plan depuis afin d’offrir une aide financière de plus de 200 milliards de dollars. Le gouvernement du Québec s’est montré tout aussi généreux en faisant passer son offre d’aide financière de 2,5 milliards à quelque 18 milliards de dollars.

Le professeur du Département des sciences économiques de l’ESG UQAM Philip Merrigan se dit satisfait des mesures prises par les gouvernements face à la crise. « C’est la meilleure solution pour les mois à venir, dit-il. Il faut désormais distribuer les chèques de la manière la plus libérale possible, quitte à réajuster le tir par après. Les ménages comme les entreprises doivent avoir la liquidité nécessaire pour effectuer les paiements urgents. Il faut éviter à tout prix la panique financière. »

Autre moyen pour assurer la liquidité et aider les familles: augmenter le montant des allocations familiales dès maintenant, propose le professeur. « Le montant des allocations est habituellement déterminé en fonction des revenus déclarés l’année précédente, ce qui fait en sorte que les parents dont les revenus ont baissé depuis la crise ne recevront l’augmentation que l’année prochaine. Ça fait une grande différence dans la vie des familles. Il y aura toujours moyen de récupérer l’argent versé en trop, au moyen des impôts. L’économie doit continuer de fonctionner. »

Deux mesures fédérales, soit les subventions de 75 % accordées aux entreprises ayant subi une baisse de 15 % de leurs revenus depuis la mi-mars et le programme de prêts sans intérêts, serviront à maintenir des employés en poste en leur versant un salaire, ou une partie de leur salaire, ou encore à payer les dépenses fixes, comme le coût du loyer ou du chauffage. « L’idée, c’est d’éviter les faillites et la fermeture des entreprises », précise Philip Merrigan. Ces dernières doivent pouvoir être capables de se remettre sur pied une fois la crise terminée et ainsi pouvoir contribuer rapidement à renflouer les coffres de l’État, ajoute le professeur.

Bien qu’il soit difficile de déterminer le nombre exact d’entreprises subissant des pertes financières dues à la crise, Philip Merrigan estime qu’environ 30 % seraient touchées. « Le gouvernement a toutes les informations nécessaires sur la situation des entreprises pour éviter le plus possible la fraude », affirme-t-il.

Soutenir un déficit de 200 à 250 milliards

Grâce à une réduction de la taille de sa dette par rapport à celle de son économie, le Canada peut soutenir un déficit de l’ordre de 200 à 250 milliards de dollars, croit Philip Merrigan. « C’est beaucoup d’argent et le poids de la dette augmentera, certes, mais le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut (PIB) demeurera acceptable. Le Canada a la marge de manœuvre pour le faire, et cela, sans affecter sérieusement sa capacité financière. »

Idem pour le Québec, qui pourrait faire un déficit de l’ordre de 50 milliards de dollars. « Les dépenses principales des provinces proviennent du domaine de la santé, qui représente 50 % de leur budget, précise le professeur. Et les dépenses en santé vont exploser au Québec d’ici la fin de l’année 2020. »

Ce n’est pas la première fois que le Canada fait face à un déficit aussi important, souligne le professeur. Lors de la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), le pays a enregistré, à répétition, des déficits égaux ou supérieurs à ses revenus, et cela, malgré une situation de plein emploi. « La raison des déficits était simple, dit Philip Merrigan: l’équipement militaire était très coûteux et avait nécessité l’émission, par le gouvernement, d’obligations de guerre dans lesquelles les citoyens étaient invités à placer leurs liquidités. À la fin de la guerre, pourtant, il y a eu une reprise rapide de l’économie et les citoyens ont été remboursés rapidement. »

Sachant que les revenus totaux actuels du gouvernement fédéral oscillent entre 330 et 350 milliards de dollars, le déficit pourrait même grimper à 300 milliards de dollars, croit Philip Merrigan. « La différence, c’est qu’il y avait, à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale, le plein emploi, ce qui n’est pas le cas ces jours-ci, puisque l’économie canadienne fonctionne à 50 pour cent, constate le professeur. Cependant, la guerre s’est étalée sur plusieurs années alors que la durée de la crise sanitaire devrait se compter en mois. »

Financer le budget de la santé grâce à des obligations du même type que les titres d’emprunt de guerre (war bonds) pourrait être une bonne idée, soutient le professeur. « L’Europe a flirté récemment avec l’idée d’émettre des obligations coronavirus dans le but de financer les déficits des pays affectés par la crise, indique Philip Merrigan. Mais les Allemands ont refusé d’appliquer cette mesure. » Quoiqu’il en soit, le gouvernement canadien n’en est pas encore à réfléchir à de nouvelles options pour obtenir des fonds. « Le pays et les banques ont encore des liquidités.»

Le Canada peut aussi compter sur une autre source de revenus importante. De nombreux travailleurs occupant des emplois bien payés, comme les ingénieurs, les analystes financiers, les notaires ou les programmeurs informatiques, sont toujours en emploi, grâce au télétravail, et continuent, donc, de payer des impôts. « Une grande part des cotisations individuelles perçues par le gouvernement provient de ce type d’emploi à haut revenu, explique Philip Merrigan. Il y aura une baisse énorme des impôts perçus sur les masses salariales, mais cette baisse sera tout de même mitigée par les impôts provenant de ces emplois hautement qualifiés.»

Effort demandé de la part des banques

La Banque du Canada a, elle aussi, pris les choses en main en déployant des mesures pour soutenir l’économie canadienne et le système financier, comme celle d’abaisser les taux d’intérêt.

Durant la dernière crise économique de 2008, le gouvernement, par l’entremise de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), a rassuré les banques en rachetant les hypothèques des Canadiens afin de les libérer du risque de non-paiement. « Le gouvernement a répété le même geste cette année: la SCHL a racheté l’équivalent de 150 milliards d’hypothèques, précise Philip Merrigan. Cette mesure permet aux banques de faire d’autres types de prêts. »

Les banques sont les vaisseaux sanguins de l’économie, rappelle le professeur. « Elles doivent aussi faire leur part en aidant les entrepreneurs et en faisant preuve de souplesse durant la crise. Le gouvernement ne peut pas tout faire à lui seul. Tout le monde doit mettre l’épaule à la roue. »

Risques à long terme?

La crise sanitaire causée par le nouveau coronavirus affectera-t-elle l’économie de manière permanente? Les gens, en particulier les personnes âgées, ne vont peut-être pas se précipiter d’emblée dans les salles de cinéma ou les théâtres ou se remettre à fréquenter les restaurants de sitôt, prédit Philip Merrigan. Certaines habitudes de vie ou de consommation pourraient se maintenir une fois la crise passée, du moins durant les semaines suivant la levée des restrictions. L’industrie du voyage sera grandement affectée, croit l’expert. « Il y a aura probablement plus de réglementations. Des pays pourraient se montrer plus sévères et exiger des visas de la part des voyageurs pour entrer sur leur territoire. Au niveau des dépenses des gouvernements, les priorités iront aux portefeuilles de la santé et de la défense nationale. »

Il est certes difficile, voire impossible, de prévoir l’avenir. « Les économistes sont habitués de faire des prévisions, mais en ce moment, le monde traverse une période d’incertitude, et dans de telles circonstances, il est impossible de se prononcer sur ce qui arrivera après la crise », conclut le professeur.

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