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Pierre Fortin reçoit la Médaille de l’UQAM

Le professeur émérite du Département des sciences économiques est honoré pour l’ampleur de ses contributions à la société québécoise. L’UQAM […]

Le professeur émérite du Département des sciences économiques est honoré pour l’ampleur de ses contributions à la société québécoise.

L’UQAM a rendu hommage, le 21 novembre dernier, au professeur émérite du Département des sciences économiques de l’ESG UQAM Pierre Fortin en lui décernant l’une de ses plus importantes distinctions: la Médaille de l’UQAM. Par ce geste, «l’Université reconnaît le rôle névralgique de Pierre Fortin dans l’élaboration de nombreuses politiques économiques et sociales du Québec et du Canada, le rayonnement de ses travaux, son apport aux missions de formation et de recherche et la richesse de sa contribution à la société », a déclaré la rectrice Magda Fusaro.

La cérémonie de remise de la médaille s’est déroulée au Centre Pierre-Péladeau à l’occasion de la collation des grades de l’École des sciences de la gestion (ESG UQAM), en présence du doyen de l’École, Komlan Sedzro, de membres du corps professoral, de dignitaires, dont le ministre des Finances du Québec Eric Girard (M.Sc. économie, 1993), et de près d’une centaine de personnes diplômées accompagnées de leur famille et leurs amis.

«La médaille que l’UQAM me décerne me touche profondément, a déclaré Pierre Fortin. La reconnaissance peut venir de n’importe où à travers le monde, mais quand elle vient de chez nous, elle a quelque chose d’irremplaçable, C’est particulièrement vrai à l’UQAM, où nos étudiants proviennent de toutes les classes de la société et où les membres de mon Département en sciences économiques partagent la même passion pour le bien commun.»

Détenteur d’une une maîtrise en mathématiques de l’Université de Montréal (1967) et d’un doctorat en sciences économiques de l’Université de Californie à Berkeley (1975), Pierre Fortin a été nommé en 1995 «économiste le plus éminent de la décennie au Québec» par l’Association des économistes québécois. Il a obtenu, en 1997, le prix Douglas-Purvis pour son apport à la politique économique canadienne. En 2003, il a reçu un hommage de Manufacturiers et Exportateurs du Québec pour sa participation à ce secteur d’activités. Membre de l’Académie des Grands Montréalais – secteur scientifique – depuis 2011, le professeur a été nommé Chevalier de l’Ordre du Québec, en 2014, et commandeur de l’Ordre de Montréal, en 2016. La Fédération des cégeps lui a également attribué le prix Guy-Rocher en 2020.

«Les économistes sont partout!»
Quand on demande à Pierre Fortin comment il perçoit le rôle des économistes dans la société, il répond mi-blagueur: «Comme Dieu, ils sont partout!» Il suffit de faire le tour des hauts fonctionnaires à Ottawa et à Québec, dit-il, pour constater la présence d’un grand nombre d’économistes de formation. «Parmi mes anciens étudiants, plusieurs m’ont dépassé et œuvrent aujourd’hui dans l’administration publique québécoise et les institutions financières.»

Aux yeux du professeur, la science économique est une sous-discipline de la sociologie. «Sans craindre les mathématiques, les étudiants se destinant à l’économie ont en général un intérêt pour les questions sociales.» Au Québec, les économistes ont une vision équilibrée des rôles dévolus aux secteurs public et privé dans la vie économique, estime Pierre Fortin. «Ils reconnaissent que le progrès économique et social du Québec au cours des dernières décennies doit beaucoup au rôle joué par le secteur public.»

«Comme disait Einstein, une science qui n’est pas communiquée ou qui est mal communiquée est une science qui n’existe pas.»

Pierre Fortin
Professeur émérite du Département des sciences économiques
Citant l’économiste français Maurice Allais, le professeur rappelle que la science économique est une science du comportement humain où doit primer la formulation d’hypothèses explicatives du réel et leur confrontation avec les faits, où les mathématiques et les statistiques doivent jouer un rôle instrumental, sans être une fin en soi, où les autres sciences humaines ne doivent pas être négligées. C’est pour éviter ce dernier piège que Pierre Fortin a animé, de 2005 à 2016, le programme de recherche de l’Institut canadien de recherches avancées (CIFAR) sur les interactions sociales, l’identité et le bien-être avec non seulement des chercheurs en économie, mais aussi en sociologie et en psychologie sociale.

Un chercheur prolifique
Chercheur prolifique et engagé dans son milieu, Pierre Fortin compte plus de 240 publications scientifiques et rapports, dont 11 ouvrages parus ici et à l’étranger. Membre de la Société royale du Canada, fellow de l’Institut C.D. Howe et chercheur associé au Centre interuniversitaire sur le risque, les politiques économiques et l’emploi, ses travaux ont porté, notamment, sur les sources du chômage au Canada, la relation entre inflation et chômage, le régime canadien d’assurance-emploi, l’histoire de la croissance économique du Québec, la politique du salaire minimum, la dette financière du Québec envers les Cris et les Innus, les conséquences de l’endettement public et de l’austérité budgétaire, et l’équilibre entre la création de la richesse et sa répartition.

Le professeur émérite s’est concentré sur l’étude de l’économie canadienne et québécoise qui, dit-il, constitue un parent pauvre de la recherche économique universitaire au pays, laissant ainsi le champ libre aux démagogues dans l’espace public et contribuant à maintenir un trop grand nombre d’étudiants dans l’ignorance de l’économie de leur propre pays.

«Publier dans les meilleures revues scientifiques internationales facilite la reconnaissance ainsi que l’obtention de la permanence et de promotions, observe Pierre Fortin. Or, ces revues ont un intérêt mitigé pour les études sur l’économie canadienne et québécoise. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on voit aux États-Unis, peu de chercheurs universitaires au Canada et au Québec travaillent de façon durable dans des officines gouvernementales fédérales ou provinciales, ce qui leur permettrait d’en apprendre beaucoup sur les économies nationale et régionale.»

«Au fond, ma principale contribution au Québec est d’avoir aidé à former une dizaine de milliers d’étudiants à la science économique.»

Servir ses concitoyens
Selon le professeur, les économistes doivent savoir communiquer les résultats de leurs recherches au plus grand nombre et servir leurs concitoyens. C’est dans cet esprit qu’il a agi en tant que conseiller économique auprès des gouvernements du Québec et du Canada, et présidé ou co-présidé plusieurs groupes de travail gouvernementaux. Dans le cadre de ces activités, il a contribué à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation de plusieurs politiques publiques.

Pierre Fortin est particulièrement heureux d’avoir contribué à la réforme de l’assurance-emploi dans les années 1980, à l’établissement d’une politique monétaire visant un taux d’inflation relativement faible, à la défense des cégeps, un ordre d’enseignement n’ayant pas d’équivalent ailleurs, et à la conception d’une politique en matière de services de garde éducatifs à prix modique. «J’ai voulu montrer que la présence des cégeps avait participé de manière significative à l’augmentation du taux de scolarisation des jeunes du Québec. Quant aux CPE, qui ont aujourd’hui 25 ans, ils sont partout reconnus pour l’excellence de leurs services éducatifs et pour leur impact majeur sur l’intégration des femmes au marché du travail, contribuant au bien-être économique et social des familles.»

En mai dernier, le professeur a remis au ministère de l’Immigration du Québec un rapport sur les conséquences de la politique fédérale en matière d’immigration. «Cette politique expansive vise à doubler le rythme d’admission d’immigrants permanents, le faisant passer de 700 à 1 200 par année par 100 000 habitants», explique Pierre Fortin. Si cette politique était appliquée au Québec, cela signifierait l’arrivée d’au moins 100 000 personnes immigrantes par année, alors que la moyenne a été de 50 000 ces 15 dernières années. «Favoriser l’immigration, c’est faire œuvre de civilisation, mais il ne faut pas aller trop vite, note l’économiste. La politique fédérale est mal avisée, car elle risque de dresser l’opinion publique contre l’immigration, comme cela s’est produit aux États-Unis et en Suède. Elle pourrait aussi entraîner l’accélération de la minorisation démographique du Québec au sein du Canada, une perte de contrôle de sa politique d’immigration et un recul important de la francisation de sa population immigrante.»

«La science est une forme avancée de contestation. Elle progresse quand des gens osent sortir des sentiers battus et remettre en question des idées établies.»

Un vulgarisateur hors pair
Pierre Fortin est reconnu pour ses talents de vulgarisateur. Depuis 1999, ses chroniques mensuelles dans le magazine québécois L’actualité permettent au grand public de mieux comprendre l’univers économique, dont les lois sont souvent perçues comme arides et complexes.

Divers économistes, dont Paul Krugman, prix Nobel d’économie en 2008 et lui-même chroniqueur au New York Times, l’ont encouragé à collaborer avec L’Actualité. «Ce magazine, qui a un lectorat de près d’un million de personnes, m’a réappris à écrire, m’a mis en contact avec quelques-uns des journalistes les plus brillants du Canada et continue d’être une source inépuisable de questions de recherche, observe l’économiste. J’essaie d’y expliquer simplement les phénomènes économiques et de débusquer les idées fausses. Comme disait Einstein, une science qui n’est pas communiquée ou qui est mal communiquée est une science qui n’existe pas.»

Pour la qualité de sa plume et son travail de vulgarisation, Pierre Fortin a remporté la médaille d’or de la National Magazine Award Foundation à quatre reprises, entre 2004 et 2017, ainsi que le Grand Prix de l’Association québécoise des éditeurs de magazines en 2009 et 2010.

Pédagogue dans l’âme
Au cours des 40 dernières années, Pierre Fortin a dirigé une cinquantaine de mémoires et de thèses, dont une trentaine à l’UQAM. «Au fond, ma principale contribution au Québec est d’avoir aidé à former une dizaine de milliers d’étudiants à la science économique. Les éducateurs doivent être conscients de l’impact énorme, souvent insoupçonné, qu’ils peuvent avoir sur l’avenir de leurs étudiants. C’est pour ça qu’ils existent.»

Le professeur estime que l’UQAM a un Département de sciences économiques exceptionnel, qui maintient un équilibre entre économie pure, économie appliquée, économie sociale et histoire. «Nous recrutons beaucoup de nos étudiants parmi les jeunes d’origine immigrante et des classes les moins fortunées de la société, dit-il, ce qui correspond à mes valeurs.» Plusieurs professeurs du Département mènent des travaux sur l’économie québécoise et canadienne. «Des travaux qui démontrent que le Québec a maintenant l’économie provinciale la plus dynamique au Canada et qu’il n’est plus le canard boiteux d’autrefois.».

Selon Pierre Fortin, «il est important de persister dans la défense de ses idées lorsqu’elles sont conformes aux faits, même si on se sent aussi seul que Galilée a pu l’être à son époque.» Pour lui, le conformisme est la pire des plaies qui menacent l’université. «La science est une forme avancée de contestation. Elle progresse quand des gens osent sortir des sentiers battus et remettre en question des idées établies. Ceux qui disent qu’un chercheur n’est pas dans le droit chemin parce qu’il se démarque des autres n’ont rien compris au rôle de l’université et de la recherche dans la société.»

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