Le 27 septembre prochain se tiendra une conférence sur le marketing territorial via les grands événements sportifs à l’ESG UQAM. Entre besoin de notoriété ou diversification économique, de nombreux pays émergents s’imposent dans la course à l’organisation de grands événements sportifs comme la Coupe du Monde de soccer ou encore les Jeux Olympiques.
Afin de mieux comprendre et d’analyser la situation du marketing territorial par le sport, trois panelistes sont invités à débattre le jeudi 27 septembre à 17h au Centre Pierre-Péladeau. Sebastien Arsenault (PDG du grand prix Cycliste de Québec et Montréal et du Marathon Beneva de Montréal) et Valérie Tetreault (Directrice de l’Omnium Banque Nationale) seront présents pour parler de leur stratégie au niveau national. André Richelieu (expert du Sportainment et professeur au Département de marketing de l’ESG UQAM) apportera, de son côté, son expertise internationale sur le Place branding. La conférence sera animée par Meeker Guerrier, animateur et chroniqueur sportif.
Analyse d’André Richelieu (expert du Sportainment et professeur au Département de marketing de l’ESG UQAM) :
Les nouvelles frontières du sport
Les frontières de l’industrie du sport volent en éclat et se recomposent. Dans le sillage de cette ‘destruction créatrice’ se dessinent des vases communicants qui relient différentes activités, dimensions et industries du réel et du virtuel (sport, divertissement, jeux vidéo [eSports], ‘streaming’, intelligence artificielle, médias et communications, finance, politique, etc.), ainsi que divers types d’acteurs, traditionnels mais également non-traditionnels au sport. Si le phénomène n’est pas nouveau en soi, cela serait fort réducteur d’en nier l’avènement, considérant que son ampleur à l’échelle mondiale est sans précédent et qu’il ne se limite pas (ou plus) à l’Amérique du Nord. Certes, aux États-Unis, parmi plusieurs illustrations, l’équipe des Savannah Bananas réinvente le baseball en introduisant les neuf règles du ‘Banana Ball’ pour donner un second souffle à un sport qui semblait mal vieillir; une innovation qui a été suivie par une modification des règlements des Ligues Majeures elles-mêmes. En Allemagne, l’artiste Helene Fischer combine dans ses spectacles musique, acrobaties, sauts périlleux et performances théâtrales, tout en flirtant avec le monde du soccer (Coupe d’Allemagne et équipe nationale de football). En Inde, la ligue de cricket la plus importante au monde (IPL) marie une version écourtée et plus attractive du sport (T20), avec la participation de Bollywood afin d’attirer un auditoire élargi.
À cet égard, le sport, ou plutôt la vision que nous en avions il y a encore peu, n’est plus. Ainsi, dans la société du spectacle, le sport et le divertissement au sens large fusionnent pour donner naissance à ce que l’on appelle le ‘sportainment’ où les fans recherchent une expérience à valeur ajoutée au travers de leur consommation; les organisations visent à monétiser, parfois à outrance, le spectacle sportif; et les états, eux, utilisent le sport comme un levier socio-économique et politique.
Place branding : une stratégie payante
Dans cet environnement, la stratégie du ‘place branding’ des nations via le sport est un thème fort d’actualité, en particulier avec les grands événements qui foisonnent et pour lesquels l’Occident est mis au défi par le reste du monde. Les nations cherchent à se démarquer sur la scène internationale pour renforcer leur notoriété et image de marque : se (re)définir, se positionner et se promouvoir comme des marques, grâce au sport. Le sport est mis en scène à des fins stratégiques qui transcendent le sport. Ainsi, on peut prudemment avancer qu’un nouvel ordre mondial est en train de se dessiner, via le commerce, la diplomatie et le sport.
Ici, les pays dits émergents prennent de l’ascendant et affichent leurs ambitions, dont ils ont de plus en plus les moyens, afin de se construire un pouvoir d’influence sur la scène internationale, dénommé ‘soft power’. Dans le sport, les pays émergents deviennent des acteurs à part entière dans la création et l’organisation d’événements d’envergure (Jeux Olympiques, Championnats du Monde, Coupe du Monde de soccer, etc.), l’acquisition d’équipes occidentales via des fonds souverains (Paris Saint-Germain, Newcastle United, Wizards et Capitals de Washington, etc.) et de joueurs ou de porte-paroles vedettes (Cristiano Ronaldo par l’Arabie Saoudite; David Beckham par le Qatar), en procédant à un savant mélange de sport, de financement et de divertissement, dans la lignée du ‘sportainment’ auquel nous faisions référence plus tôt.
Diversifier son économie
Aujourd’hui, au-delà des controverses avérées ou non, les nations qui s’inscrivent dans cette mouvance et qui ont le vent dans les voiles sont situées dans le Golfe Persique et l’Asie. Par exemple, l’Arabie Saoudite souhaite diversifier son économie, encore largement dépendante des hydrocarbures, pour se tourner vers le tourisme et le sport avec la construction de Neom et de la ville intelligente The Line, en parallèle avec la tenue des Jeux Asiatiques de 2029. On retrouve également le Qatar qui a organisé la Coupe du Monde de football 2022. Sans oublier les Émirats Arabes Unis qui deviennent un pôle de divertissement de calibre mondial. Et c’est, bien sûr, sans compter avec la Chine, dont le déploiement des nouvelles routes de la soie (la ‘Belt & Road Initiative’), un projet lancé en 2013, se chiffre déjà à plus de mille milliards de dollars américains et où le sport occupe une place non négligeable via la construction d’infrastructures sportives en Chine et à l’étranger.
Les regards se tournent vers l’Asie
Demain, ce sont l’Inde, la Malaisie et la Thaïlande, pour ne nommer que ces pays, qui bénéficieront, fort possiblement du levier stratégique du place branding. Ils marqueront de leur empreinte leur statut de joueurs de calibre international pour s’affranchir d’un ordre mondial qu’ils seront à-même de remettre en question sans complexe. Les rivalités politiques régionales ou internationales s’étendent au sport, comme jadis, au temps de la Guerre Froide. Toutefois, cette fois-ci, il semblerait que franchir le Rubicon ne soit plus du tout tabou.
Et cela ne devrait pas être une surprise, de nombreux indicateurs économiques laissent présager que l’avenir est asiatique, y compris dans le domaine sport et dans sa transformation en sportainment. La conférence de Bandung, en Indonésie, en 1955 était un pas timide vers l’affirmation des pays que l’on étiquetait, avec une condescendance mal déguisée, ‘en voie de développement’; aujourd’hui, le sport vient galvaniser les aspirations des pays émergents.
Dans cette veine, nos recherches démontrent que parmi les pays les plus dynamiques dans leur stratégie de place branding via le sport, la Chine semblerait, d’ici quelques années, sur le point d’atteindre ses objectifs en combinant stratégiquement sport, diplomatie internationale et commerce, tout en permettant à l’Empire du Milieu d’asseoir son soft power.
Cela étant dit, certains types de stratégies de valorisation d’un lieu par le sport apparaissent propices à laisser un héritage socio-économique aux populations locales, tout en permettant, en même temps, aux nations d’établir leur soft power. Des pays tels que l’Australie, le Japon, Singapour et la Corée du Sud, se taillent ainsi une place de choix. Ces pays privilégient une approche de développement économique national ET d’influence diplomatique internationale qui pourrait sembler, et la perception sur ce sujet est importante, plus ‘équilibrée’ ou moins ‘menaçante’ aux yeux du monde.
Un débat autour de la place du sport comme stratégie territoriale à Montréal
Dans ce tourbillon de transformations et bouleversements, comment Montréal, le Québec et la Canada pourraient-il utiliser le levier stratégique du place branding via le sport dans le contexte du sportainment ? Comment pourraient-ils se démarquer face à la montée en puissance des pays émergents ? Quels événements seraient les plus à-même de nous aider à prendre et renforcer notre place sur l’échiquier sportif et géopolitique mondial ? Voilà des questions qui lancent un débat et une réflexion nécessaires. C’est un rendez-vous que nous vous donnons, le mercredi 27 septembre 2023 à 17h00, pour une nouvelle édition des grandes conférences de l’ESG UQAM.
Les grandes conférences de l’ESG UQAM (gcE)
Les gcE sont une série de conférences thématiques portant sur la gestion. Nous vous invitons à écouter et échanger avec des grands noms du monde économique et des affaires ainsi que des milieux de l’entrepreneuriat. Ces conférences offrent un lieu de rencontre idéal pour le milieu des affaires, le milieu académique et la relève entrepreneuriale.