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Situation critique pour les compagnies aériennes

Cet article fait partie de la série COVID-19 réalisée par Actualités UQAM. Si une entreprise ne peut vous offrir un service […]

Cet article fait partie de la série COVID-19 réalisée par Actualités UQAM.
Si une entreprise ne peut vous offrir un service pour lequel vous avez payé, vous devriez en principe être remboursé. Pourquoi, alors, les compagnies aériennes canadiennes refusent-elles de rembourser les clients qui avaient acheté des billets ou des forfaits vacances et qui n’ont pu en profiter à cause de la COVID-19 ? « Toutes les compagnies aériennes du monde sont en situation de faillite potentielle et aucune ne pourra survivre sans l’aide de l’État, explique le professeur du Département de management de l’ESG UQAM Mehran Ebrahimi, directeur du Groupe d’étude en management des entreprises de l’aéronautique. Cela dit, elles n’ont pas à faire porter le fardeau de la crise à leur clientèle.»

Le 14 avril dernier, l’Association internationale du transport aérien (IATA) annonçait que la baisse du chiffre d’affaires des compagnies aériennes pourrait atteindre 314 milliards de dollars en 2020, une baisse de 55 % par rapport à 2019. En avril, le nombre de vols a diminué de 80 % par rapport à l’an dernier. « Une entreprise comme Air France perd environ deux millions de dollars canadiens par heure en ce moment à cause de la pandémie. Un Airbus A320 ou un Boeing 737 coûte entre 250 000 et 300 000 dollars par mois en capital. Dans ce contexte, les compagnies qui rembourseraient leurs clients accéléreraient leur propre chute », observe Mehran Ebrahimi.

Dans plusieurs pays, c’est pourtant ce qu’elles devront faire. La Commission européenne indiquait le 18 mars dernier qu’en vertu de sa charte des voyageurs, les compagnies sont tenues d’offrir un remboursement. Idem aux États-Unis, selon une annonce du département des Transports effectuée le 3 avril.

Pour conserver la faveur de leur clientèle après la crise, ne vaudrait-il pas mieux que les compagnies aériennes canadiennes remboursent leurs clients de leur propre chef plutôt que de s’y voir contraintes par le gouvernement? « Les relations publiques constituent présentement le dernier de leur souci, affirme le professeur. Elles sont en mode survie. »

Le Canada en retard

L’an dernier, le Canada a adopté sa propre charte des voyageurs aériens. Cela s’est fait en deux temps : une partie en juillet et l’autre en décembre, rappelle Mehran Ebrahimi. Cette charte vise à protéger les passagers des problèmes liés à la surréservation, aux retards (une règle stipule désormais qu’il faut faire descendre les passagers après trois heures si l’avion demeure sur le tarmac) et aux bagages perdus. Rien de ce qui y figure concernant l’annulation des vols ne s’applique à la situation actuelle, ce qui laisse le champ libre aux compagnies. Plutôt qu’un remboursement, la plupart offrent à leurs clients un crédit voyage de 24 mois, une mesure jugée insuffisante par plusieurs associations de consommateurs et clients lésés. « Nous sommes en retard de 10 ans sur l’Europe quant aux enjeux liés aux droits des passagers», déplore le chercheur.

Mehran Ebrahimi observe depuis des années l’IATA faire du lobbyisme pour que les gouvernements assouplissent différentes conditions imposées aux compagnies aériennes en ce qui concerne les droits des passagers, les émissions de gaz à effet de serre, les frais et taxes d’aéroport, etc. « Je crains que l’IATA ne tente de profiter de la pandémie et des lacunes de notre législation, en prétextant les difficultés financières des compagnies, pour sabrer dans les maigres gains obtenus au fil des ans, et après d’âpres batailles, par les passagers canadiens », dit-il.

Une aide étatique

Récemment, les quatre principaux transporteurs américains (American Airlines, Delta, United et Southwest) se sont entendus avec le gouvernement fédéral sur un plan de sauvetage de 25 milliards de dollars leur permettant d’éviter la faillite et les licenciements.

Chaque pays déterminera le modèle le plus acceptable pour sauver ses compagnies aériennes : cela peut être un prêt à long terme sans intérêt ou une participation à la capitalisation boursière de celles-ci, explique Mehran Ebrahimi. « Il ne faut pas voir ce type de mesure d’un mauvais œil si elles devaient être mises en œuvre au Canada, car nos compagnies aériennes nous permettent d’avoir une souveraineté dans notre ciel. Chaque pays a besoin de cette souveraineté, car si leurs compagnies disparaissent, ce sont des entreprises étrangères qui prendraient leur place. En l’occurrence, chez nous, ce serait assurément les compagnies aériennes américaines. »

La législation canadienne stipule qu’aucune entreprise étrangère ne peut détenir plus de 49 % des parts d’une compagnie aérienne au Canada, et c’est tant mieux, rappelle le professeur. «  Mais le corollaire de cette souveraineté est que les plus gros joueurs dans ce marché, les Air Canada, WestJet et Sunwing n’ont pas à se soucier outre mesure de leur service à la clientèle. On en a eu un exemple frappant à la fin de l’an dernier avec le nouveau système de réservation d’Air Canada. Et le débat actuel entourant le remboursement des billets s’inscrit aussi dans cette dynamique. » Un dossier à suivre!

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