La maîtrise, le doctorat, le postdoctorat, une continuité logique? Pas pour tout le monde… Luc Renaud, stagiaire au postdoctorat, est loin du parcours académique classique. Entre expériences de vie, cinéma, rencontre des communautés autochtones et de nombreux voyages, découvrez l’itinéraire d’un postdoc pas comme les autres.
Installé à Québec depuis 15 ans, Luc Renaud est ce que l’on pourrait appeler un bourlingueur! Quand on lui demande d’expliquer son parcours, cela ne prend pas cinq minutes, même s’il précise : « Je vais essayer de faire une histoire courte quand même » (sic). Il faut dire que l’homme a parcouru du « pays ».
Début des années 1990, il commence un baccalauréat à l’Université de Sherbrooke et poursuit avec une maîtrise en océanographie. « J’ai commencé un doctorat en géographie à l’Université Laval que j’ai abandonné pour partir à l’étranger ». Le début de son aventure commence!
L’Afrique : le déclic
« Durant mon doctorat, j’ai reçu une proposition d’une ONG pour faire du bénévolat en Guinée-Bissau. Cela a été véritablement le déclic pour moi. » L’envie de découvertes et de voyages est inscrite dans l’ADN du chercheur, « Tu sais, je suis un vieux backpacker, j’ai toujours aimé bourlinguer. Aller à la rencontre d’autres communautés a toujours été présent dans mon esprit. En Afrique, j’ai eu l’opportunité de vivre chez l’habitant, notamment parce que je n’avais pas d’argent (rire). Cette approche des communautés s’est beaucoup développée en Guinée-Bissau et s’est renforcée dans la suite de mon parcours ». Très vite la question du colonialisme l’interpelle. « Je me suis retrouvé ensuite dans une communauté autochtone innue de Matimekush-Lac John pendant 15 mois, une ancienne ville minière au nord de Sept-Îles. C’est en réalité une colonie minière en plein territoire autochtone ». Un premier changement de cap se dessine alors pour celui qui est originaire du Vieux-Hull.
Du cinéma à la recherche
Cette expérience a créé un changement de carrière pour Luc, « J’ai commencé à faire des documentaires avec comme intérêt un regard critique sur le rapport des Québécois aux Autochtones ». Cette réflexion l’a amené à s’intéresser au tourisme à Cuba, « Je me suis penché sur les rapports néocoloniaux du tourisme de masse à Cuba notamment pour nos liens historiques avec l’État insulaire ». Deux documentaires et un film plus tard, cet autodidacte se lance dans un doctorat en géographie avec une codirection à l’UQAM, pourquoi? « Je voulais poursuivre mes réflexions sur le développement touristique. J’ai passé huit mois au Belize entre 2015 et 2017 pour étudier le tourisme de croisière. L’objectif était de comprendre comment le territoire se réorganisait avec l’arrivée de paquebots et ses milliers de touristes ». Cela a débouché sur une thèse doctorale sur les dynamiques territoriales au développement du tourisme de croisière, « En effet, peu de recherches abordaient le point de vue des communautés réceptrices du tourisme de croisière ».
Le Saint-Laurent et le tourisme de haute intensité
Le chercheur s’intéresse également au tourisme de croisière sur l’estuaire du Saint-Laurent qui est en plein essor. « À travers ces différents projets, j’ai rencontré Dominic Lapointe, professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’ESG UQAM, qui est devenu mon superviseur de stage postdoctoral. J’ai approfondi avec lui le tourisme de haute intensité dans l’Est du Québec. » Contrairement au « surtourisme », on parle ici d’un tourisme massif dans un laps de temps réduit, « par exemple, les Îles de la Madeleine reçoivent 68% de leur tourisme en deux mois (juillet et août). On fait face à des problèmes de gestion ».
Avec la pandémie, le boursier postdoctoral du CRSH s’est intéressé au tourisme de croisière durant la COVID-19. « Les compagnies sont dans une mobilité forcée, c’est donc le bon moment pour repenser la manière de fonctionner. Par exemple : comment faire en sorte que les ports d’escale tirent profit des mannes financières des paquebots? Comment favoriser les petits bateaux de croisière qui ont un impact environnemental moindre et dont les retombées économiques sont plus importantes pour les communautés locales? ».
Le Groupe de recherche et d’intervention tourisme territoire et société (GRITTS) pour lequel travaille Luc Renaud a une approche critique du tourisme. Celui-ci doit servir les communautés réceptrices et ensuite les touristes, « c’est un changement de paradigme par rapport à ce qu’on développe généralement. Pour paraphraser Dominic : « pour changer le monde, il faut parler aux pointures qui ne pensent pas comme nous » ».
Loin d’être à court de projets, Luc Renaud pense déjà son prochain film, « c’est un média important pour faire du transfert de connaissance ». Sa soif d’aventures est donc loin d’être terminée!